Vous signalez dans votre courrier que le régime français de sécurité sociale obligatoire n'est pas compatible avec le droit communautaire du fait qu'il consacre un monopole en faveur des organismes français gérant le risque maladie, contraire au régime de libre concurrence ainsi qu'aux directives communautaires en matière d'assurance. Ce monopole serait contraire à la liberté de choix du citoyen en matière d'assurance maladie.Cette objection est fausse. En effet, le jugement cité (affaire C-206/98, Commission c. Belgique) précise : « (...) ces dispositions devraient être interprétées en ce sens qu'elles se réfèrent aux activités d'assurance gérées par des organismes publics de sécurité sociale ne poursuivant pas un but lucratif. » D’après le jugement cité, ce qui fait que les organismes de Sécurité Sociale soient exclus des directives, ça n’est pas le but lucratif en tant que tel (car sinon, aucune société de mutuelle ne serait concernée en France) mais c’est l’opposition entre « organisme public » et entreprise poursuivant un but « à ses propres risques », ce dernier cas étant le cas français. Les activités d'assurance de la Sécurité Sociale française ne sont pas gérées par des organismes publics de sécurité sociale ne poursuivant pas un but lucratif, elles le sont au contraire par des mutuelles de droit privé.
Permettez-moi de vous signaler que la législation communautaire concernant l'assurance directe sur l'assurance non-vie établit des dispositions concernant l'exercice des activités d'assurance privées dans le marché intérieur. Cette législation exclut de son champ d'application les assurances comprises dans un régime de sécurité sociale obligatoire . La Cour de Justice a confirmé dans plusieurs arrêts que le régime général de cette législation sur les assurances implique que les activités d'assurance gérées par des organismes de sécurité sociale ne poursuivant pas un but lucratif tombent en dehors de son champ d'application.
Cette exclusion vise non seulement les organismes de sécurité sociale ("entreprises et institutions"), mais également les assurances et les opérations qu'ils effectuent à ce titre . Certains de ces arrêts portent sur le régime français d'assurance maladie de sécurité sociale. Dans l'affaire « Garcia » , plusieurs travailleurs indépendants contestaient aux caisses de sécurité sociale chargées de la gestion des régimes obligatoires d'assurance vieillesse, maladie, maternité, invalidité et décès le droit d'exiger le paiement des cotisations en cause. Les travailleurs faisaient valoir que le droit exclusif reconnu à ces caisses pour la gestion desdites assurances était incompatible avec les dispositions de la troisième directive assurance non-vie. La Cour, se fondant sur la jurisprudence relative à l'intangibilité des systèmes nationaux de sécurité sociale , a dit que le régime français tombe en dehors de son champ d'application. Elle a ajouté en outre que la libéralisation du marché national aurait entraîné la suppression de l'obligation d'affiliation, ce qui aurait eu pour effet de compromettre la survie de ce régime d'assurance.L'arrêt Garcia (affaire C-238/94 du 26 mars 1996) n’est plus d’actualité car il considère la Sécurité Sociale au sens large, c’est à dire en tant que collectivité publique et comme organisme unique, alors que l’arrêt C-206/98 cité plus haut, qui lui est postérieur (mai 2000) impose, dans l’interprétation de l'article 2 de la directive 73/239, la fameuse opposition des natures d’organismes.
Par conséquent, il convient de préciser que ces directives ne confèrent aucun droit à se soustraire à une obligation légale d'affiliation à une mutuelle ou une assurance comprise dans les régimes nationaux de sécurité sociale.Il se base sur des jurisprudences ignorant la distinction entre Collectivité publique et organismes participant à la gestion d’un régime légal. La conclusion ne peut donc être acceptée. Il aurait dû dire, pour respecter l’arrêt : « sauf si ces mutuelles sont des institutions privées gérant à leurs propres risques ».
Dans l'état actuel du droit communautaire et en l'absence d'une harmonisation, les Etats membres restent libres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, y compris pour ce qui concerne l'obligation de s'affilier (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour dans l'affaire C-18/95, Terhoeve) et pour décider comment ces risques faisant objet du régime légale [sic] doivent être couverts et par quel organisme. Par conséquent un Etat membre, en l'occurrence la France, demeure compétent pour décider d'imposer l'affiliation obligatoire au régime légal d'assurance maladie et les conditions de cette affiliation.L’affaire citée traite d’un conflit portant sur le montant des cotisations du régime légal des Pays-Bas, pas sur l’imposition de s’affilier. Les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE n’y sont même pas mentionnées. L’obligation d’affiliation y est certes mentionnée, mais elle n’a pas été remise en cause par le demandeur, et ne fait partie à aucun moment de l’argumentation. On voit mal comment cet arrêt, datant du 26 janvier 1999, confirmerait l’obligation d’être affilié en France aux Caisses d’Assurance privées que sont les CPAM.
Nous estimons qu'on ne saurait pas interpréter ces directives comme imposant aux Etats membres l'obligation d'ouvrir la gestion et la prise en charge des régimes en matière d'assurance maladie ou vieillesse faisant partie d'un régime légal de sécurité sociale obligatoire aux entreprises d'assurance privées. La question de la transposition des directives sur les assurances dans le droit français est sans incidence avec l'abondant contentieux judiciaire et administratif qui oppose certains membres des professions libérales en France à leurs caisses professionnelles à propos du caractère obligatoire ou facultatif de leur affiliation au régime légal d'assurance maladie géré par ces caisses.Et pour terminer l'ouverture de parapluie traditionnelle :
Je tiens à préciser que l'interprétation faite par la Commission ou ses services de l'ordre juridique communautaire ne peut pas préjuger de l'interprétation de la Cour de Justice, qui dans le système du Traité est compétente en dernier ressort pour assurer l'interprétation du droit communautaire.D'après le MLPS, la Direction "marché intérieur" envoie depuis des années la même lettre-type en réponse aux plaintes qu'elle reçoit. Elle ne veut pas apparaître comme responsable de l'effondrement du système social français (qui est de toute façon assez vermoulu pour s'effondrer tout seul).
Une autre direction de la Commission, la Direction Générale de la Concurrence, moins frileuse que la précédente, est informée de la plainte. On verra bien quel est son avis à elle sur la question.
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